Demande - Joy et Pont Blue Water Canada

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No. de dossier du Tribunal :  T-2014-01          

 

Demande du commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada présentée au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs

  

Dans l’affaire concernant :

David Joy
plaignant

-et-

Pont Blue Water Canada
défendeur

 

 

Avis de demande

En vertu de l’alinéa 20.4(1)a) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C., 2005, ch. 46 (la Loi) et conformément à l’article 5 des Règles de pratique du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, DORS / 2011-170, je demande par les présentes au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs (le Tribunal) d’instruire la plainte, de décider si des représailles au sens du paragraphe 2(1) de la Loi ont été exercées à l’égard du plaignant et d’ordonner, le cas échéant, la prise de mesures de réparation à l’égard du plaignant.

  

Le fondement de la demande

  • La présente demande se rapporte à la cessation d’emploi de M. David Joy à Pont Blue Water Canada (PBWC) le 19 mars 2013 ainsi qu’à la décision subséquente de PBWC de réduire l’indemnité de départ du plaignant.
  • M. Joy est un ancien fonctionnaire, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, qui a travaillé au sein de PBWC pendant presque 11 ans; il occupait le poste de dirigeant principal des finances et gestionnaire des ressources humaines au moment de son licenciement.
  • PBWC est une société d’État mère au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C., 1985, ch. F-11 et constituée conformément à la Loi sur l’administration du pont Blue Water, S.C. 1964-65, ch. 6. La société est chargée du fonctionnement et de l’entretien d’un pont international situé entre Sarnia (Ontario) et Port Huron (Michigan).
  • Le 20 mars 2013, M. Joy a déposé une plainte en matière de représailles au Commissariat à l’intégrité du secteur public (le Commissariat) en vertu de l’article 19.1 de la Loi, dans laquelle il alléguait que son licenciement, fait sous le couvert d’une réorganisation au sein de PBWC, était dans les faits une mesure de représailles prise contre lui parce qu’il avait fait une divulgation protégée d’actes répréhensibles au sens de la Loi. Il y alléguait aussi qu’il avait fait l’objet d’un ensemble de mesures de représailles supplémentaires après son licenciement, dont la réduction de son indemnité de départ, la divulgation de ses renseignements personnels dans un communiqué de presse au moment de son licenciement, ainsi que le versement tardif de certains éléments de son indemnité de départ.
  • Le plaignant a identifié quatre personnes comme étant responsables des mesures de représailles alléguées prises contre lui :
    • M. Charles Chrapko, l’ancien président et chef de la direction de PBWC;
    • M. Marcel Beaubien, le président du conseil d’administration de PBWC;
    • M. Larry Kinley, membre du conseil d’administration; 
    • M. Gary Atkinson, membre du conseil d’administration.

 

  • Le Commissariat a fait enquête relativement à la plainte en matière de représailles déposée par M. Joy et, compte tenu des résultats de l’enquête, je conclus qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le licenciement de M. Joy ainsi que la réduction subséquente de son indemnité de départ étaient des mesures de représailles prises contre lui par PBWC en raison de ses divulgations protégées d’actes répréhensibles. Par conséquent, j’ai conclu qu’il est justifié de demander au Tribunal d’instruire la plainte, conformément aux alinéas 20.4(1)a) et 20.4(3)a) de la Loi.
  • Puisque les résultats de l’enquête ne donnent pas à penser que la publication d’un communiqué de presse par PBWC au sujet des licenciements qu’elle a effectués et son retard à verser au plaignant certains éléments de l’indemnité de départ étaient des représailles, le Commissariat ne donnera pas suite à ces allégations dans le cadre de l’instruction de la plainte devant le Tribunal.

  

Sommaire de la plainte

  • M. Joy a été licencié par PBWC le 19 mars 2013 au motif que son poste avait été déclaré « excédentaire ». Le plaignant a immédiatement cru que son licenciement était attribuable à la divulgation protégée d’actes répréhensibles qu’il avait effectuée. Il a déposé une plainte en matière de représailles au Commissariat dès le jour suivant, soit le 20 mars 2013.
  • Le plaignant a fait une divulgation protégée d’actes répréhensibles au Commissariat le 21 février 2012. La divulgation visait le versement d’indemnités de départ inappropriées à deux anciens employés de PBWC. Cette divulgation avait fait l’objet d’une enquête, qui s’est soldée par la conclusion que l’ancien président et chef de la direction de PBWC, M. Chrapko, avait commis des actes répréhensibles.
  • Le 21 décembre 2012, le Commissariat a transmis à M. Chrapko un rapport d’enquête préliminaire en lien avec cette divulgation, conformément aux obligations qui lui incombent au titre du paragraphe 27(3) de la Loi. M. Chrapko a par la suite fait circuler le rapport d’enquête préliminaire aux membres du conseil d’administration. Le Commissariat a aussi transmis son rapport d’enquête préliminaire au greffier du Conseil privé le 27 décembre 2012 et au ministre responsable de PBWC le 10 janvier 2013. 
  • À la fin du mois de janvier 2013, M. Chrapko a annoncé qu’il démissionnait de PBWC et que sa démission prendrait effet le 15 mars 2013.
  • Le Commissariat a achevé son enquête concernant cette divulgation le 6 mai 2013. Comme l’exige la Loi, j’ai déposé un rapport sur le cas devant le Parlement relativement à cette affaire le 6 juin 2013.
  • Le rôle joué par le plaignant dans l’affaire ayant conduit à la divulgation remonte à août 2011. Le 29 août 2011, en sa qualité de dirigeant principal des finances, le plaignant a écrit une note à l’ancien président, M. Chrapko, dans laquelle il déclarait que l’indemnité de départ proposée à un employé qui allait quitter PBWC était inappropriée et il a demandé à M. Chrapko de réévaluer sa décision. Dans sa note, il a aussi fait référence à une indemnité de départ versée antérieurement à un autre ancien employé de PBWC. Le plaignant considérait que ces deux indemnités étaient excessives et injustifiées, compte tenu des circonstances dans lesquelles ces employés avaient quitté PBWC.
  • Étant donné que le plaignant avait l’impression que l’ancien président ne s’occupait pas des préoccupations qu’il avait soulevées, il a par la suite communiqué avec des fonctionnaires de Transports Canada, qui l’ont avisé qu’il pouvait faire une divulgation d’actes répréhensibles au Commissariat. Il a aussi fait part de ses préoccupations au Bureau du vérificateur général du Canada dans le contexte de la vérification de PBWC effectuée par ce dernier. Le 10 février 2012, il a aussi signalé à M. Beaubien, qui était à l’époque membre du conseil d’administration, que M. Chrapko était possiblement en conflit d’intérêts en ce qui a trait à la décision d’accorder les indemnités de départ visées. M. Joy, qui avait épuisé les recours, internes ou autres, pour que l’on s’occupe de ses préoccupations, a ensuite fait une divulgation protégée d’actes répréhensibles au Commissariat.
  • Le 10 août 2012, le Commissariat a avisé M. Chrapko du lancement d’une enquête le visant; ce dernier en a ensuite informé M. Beaubien et les autres membres du conseil d’administration. Puisqu’il était bien connu que M. Joy était opposé au versement des indemnités de départ, M. Chrapko et les membres du conseil d’administration pouvaient présumer l’identité du divulgateur. De plus, ils auraient pu aussi présumer que le plaignant avait participé à la divulgation, à la suite de leur lecture du rapport d’enquête préliminaire.
  • Le 11 mars 2013, le plaignant a été convié à une rencontre avec les membres du conseil d’administration le 19 mars 2013, sous le couvert d’une réunion de tous les gestionnaires pour que ceux‑ci passent en revue leurs domaines de responsabilité respectifs et qu’ils discutent de propositions ou de suggestions concernant les étapes à venir pour PBWC. Le plaignant a travaillé toute la fin de semaine en vue de préparer sa présentation. 
  • Lors de son arrivée à la réunion, le plaignant a été conduit dans une pièce, dans laquelle M. Beaubien, M. Atkinson et un avocat mandaté par PBWC sont venus à sa rencontre. L’avocat a informé le plaignant que son poste était supprimé sur le champ en raison d’une réorganisation au sein de PBWC. Selon le plaignant, ce revirement de situation l’a mis dans un état de choc, parce qu’il n’avait jamais été avisé d’une possible restructuration de PBWC pouvant entraîner l’élimination du poste de dirigeant principal des finances et gestionnaire des ressources humaines. Il a tout de suite cru que son licenciement était lié aux divulgations qu’il avait faites.
  • Lors de la réunion du 19 mars 2013, on a donné au plaignant une lettre datée du 19 mars 2013 et signée par M. Beaubien, laquelle expliquait les conditions liées à la cessation de son emploi et les indemnités de départ prévues à la Politique 804 en matière de ressources humaines (la Politique 804 des RH) de PBWC. La lettre précisait qu’il avait jusqu’au 29 mars 2013 pour accepter ces conditions et pour signer une déclaration et un formulaire de décharge quant à l’indemnité de départ. La lettre ne faisait pas état de conséquences dans l’éventualité où il n’accepterait pas les conditions.
  • À la suite de la réunion, le plaignant a reçu l’avis juridique de ne pas signer les formulaires de déclaration et de décharge relativement à l’indemnité de départ. Le 3 avril 2013, il a reçu une deuxième lettre, provenant de M. John Elliott, un employé de PBWC qui avait été nommé chef des opérations par intérim par le conseil d’administration le 15 mars 2013, lettre l’avisant que, puisqu’il n’avait pas accepté les conditions offertes relativement à son départ, il ne recevrait que l’indemnité de départ à laquelle il a droit au titre du Code canadien du travail, laquelle est considérablement moindre. Le plaignant prétend que la décision de ne pas lui donner les avantages auxquels il avait droit au titre de la Politique 804 des RH constituait aussi une mesure de représailles.
  • Dans le cadre de l’enquête concernant cette plainte en matière de représailles, l’employeur a adopté la thèse selon laquelle le plaignant n’avait été licencié pour aucun autre motif que la réorganisation ayant eu lieu chez PBWC. Cependant, l’enquête a révélé plusieurs incompatibilités entre les documents disponibles, les mesures qui avaient été prises ainsi que les récits des incidents donnés par les différents témoins.
  • Compte tenu de ce qui précède, il y a des motifs raisonnables de croire que le licenciement du plaignant ainsi que la réduction subséquente de son indemnité de départ constituaient des mesures de représailles prises contre lui en raison de ses divulgations protégées d’actes répréhensibles. 

 

Signé à Ottawa (Ontario) ce 3e jour de février 2014.

 

Originale signé par :


Mario Dion
Commissaire à l’intégrité du secteur public